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Yann Eliès : « Cette 5e place, je me suis battu pour pendant 80 jours ! »

A 16h13, ce mercredi 25 janvier, Yann Eliès a franchi la ligne d’arrivée du Vendée Globe, au large des Sables d’Olonne. Le skipper de Quéguiner – Leucémie Espoir s’est ainsi octroyé la cinquième place (premier bateau non équipé de foil) de l’épreuve au terme de de 80 jours de mer et des poussières, mais aussi et surtout au terme d’une incroyable aventure marquée par des problèmes de hook de grand-voile, une effroyable tempête au large de la Nouvelle-Zélande, un duel de toute beauté avec Jean Le Cam sur près de la moitié du parcours et un finish haletant à seulement 1h25 du quatrième et 1h43 du le sixième. Ses premières impressions à chaud !

Yann Elies, skipper du monocoque Imoca Queguiner-Leucemie Espoir, 5eme du Vendee Globe 2016-2017 en 80j 3h 11m et 9s- Les Sables d Olonne le 25/01/2017
© Alexis Courcoux

Yann, on vous imagine content d’arriver, d’avoir bouclé ce tour du monde ?
« C’est vrai, même si j’avoue avoir un peu vécu comme une agression la vision du premier bateau venu à ma rencontre. Dans un premier temps, j’ai pensé que j’aurais préféré finir mon Vendée Globe « tranquillou » et rentrer à la maison directement. Finalement, c’est monté petit à petit. Les gens, les sponsors et les proches sont arrivés progressivement. Malgré tout, il a fallu que je reste concentré jusqu’au bout car c’était dur d’aller couper la ligne d’arrivée à cause des conditions. De plus, il fallait vraiment que j’arrive à rentrer dans le chenal avant 18 heures pour des questions d’horaires de marée. A 16h13, lorsque je suis arrivée, j’ai commencé à m’ouvrir, à décompresser. Avant, j’étais en mode « Figaro » depuis un moment car c’était très intense avec Jean (Le Cam). Lors de la dernière nuit, je n’ai pas dormi du tout. A un moment, j’ai même eu peur de ne pas réussir à profiter de mon arrivée mais ça n’a pas été le cas. Faut dire, cette 5e place, je me suis quand même battu pour pendant 80 jours ! Il n’était pas question que je me relâche dans les derniers mètres. Comme un Figariste, je me suis donné jusqu’au bout et j’arrive fatigué. Fatigué et soulagé. Content aussi. »

Vous terminez 5e mais aussi premier bateau sans foil. On imagine que c’est également une satisfaction ?
« Finir 5e, c’est le mieux que je pouvais espérer et terminer premier bateau à dérive classique, c’est effectivement une petite victoire quelque-part. Les foilers ont réussi leur pari et c’est tant mieux pour eux. Moi, je ne suis battu avec les armes que j’avais. Je suis aussi content de finir devant Jean, mon idole de jeunesse. Il a démontré une fois encore qu’il est bel et bien le « Roi Jean ». Il ne m’a pas lâché. Il a toujours maîtrisé son bateau autant que ses trajectoires. Il a fallu que ça se dénoue à la fin, sur une portion plus côtière où je suis un peu plus à l’aise. Ca a été un sacré client et je suis content de m’être battu contre lui. Contre lui mais aussi contre Jean-Pierre (Dick). »

Aujourd’hui vous bouclez votre troisième tour du monde, mais votre premier en solo. Ce n’est pas anodin…
« C’est vrai que faire un tour du monde en équipage c’est quelque chose, mais le faire en solitaire, c’est encore un autre défi. Il y a une autre dimension. Il faut passer les coups durs et sur ce type d’exercices, ils sont nombreux. Heureusement, j’avais mon ange-gardien avec moi, Erwan Steff (le Directeur administratif et logistique du projet, ndlr). Il connait le bateau sur le bout des doigts. A chaque fois que j’ai eu besoin de l’appeler, il avait la solution à mon problème. Un Vendée Globe, au final, c’est tout seul et pas tout seul. C’est un sacré truc. »

Ce que vous retiendrez principalement de ce tour du monde ?
« La première chose, c’est que je casse mon hook de grand-voile très rapidement et que cela me pénalise beaucoup car j’ai eu du mal à accrocher le bon wagon. La deuxième, c’est cette grosse tempête rencontrée au large de la Nouvelle-Zélande. A ce moment-là, il y a eu des images vraiment hors du commun et je me suis posé beaucoup de questions. Je me suis même dis que si ça franchisait un cap supplémentaire, alors j’étais vraiment mal. Enfin, la troisième, c’est la bagarre avec Jean. Elle aura véritablement marqué mon Vendée Globe. Depuis le cap Horn, je ne crois pas que lui et moi ayons été séparés de plus de 30 ou 40 milles ! Sa vitesse m’a surpris au début. Je pensais que j’aurais un petit avantage or ce que je n’avais pas bien calculé, c’est que lui avait déjà fait un tour du monde sur son bateau et qu’il le connaissait vraiment par cœur. Il m’a aussi étonné dans la dimension physique des choses car les 60 pieds sont des bateaux qui sont difficiles à mener et à vivre et il a tenu le rythme. Vraiment bravo à lui ! »

On sent que ça a été dur…
« Ca l’a été. Bien sûr, lors de ces 80 jours de mer, il y a eu des moments de plaisir mais j’ai souvent été dans le dur. Dans la descente de l’Atlantique, ça a été difficile de voir les foilers partir devant. Ca a été compliqué à gérer. Il a fallu trouver un os, un objectif, un nouveau truc… Heureusement, j’ai réussi à me faufiler dans un petit trou de souri avant le cap de Bonne Espérance, ce qui m’a permis de rester à peu près dans le match. Reste que ça a été dur mentalement. Heureusement aussi, j’ai ensuite pu faire la compétition avec Jean et Jean-Pierre, deux formidables marins. Au final, cela ne me donne qu’une envie : revenir avec un bateau qui soit le plus compétitif possible. On va digérer tout ça puis voir comment on peut s’y prendre. »

Le Yann qui rentre aujourd’hui est-il le même que celui qui est parti le 6 novembre dernier ?
« Ce tour du monde a levé les doutes que j’avais sur la véritable envie que j’avais de faire ce Vendée Globe après mon accident survenu en 2008. Je me suis rendu compte, quelques heures seulement après le départ, que ce n’était pas si clair que ça dans ma tête, qu’il y avait encore des doutes. Aujourd’hui, il n’y en a plus. Cela m’a vraiment permis de me dire que j’étais prêt pour une troisième édition et l’attaquer pied au plancher. »